Josef Jelacic de Buzim

Extrait du Dictionnaire Universel Larousse, 1866-1879

Baron, général autrichien, ban de Croatie, fils du précédent [Franz Jelacic de Buzim], né à Peterwardein (Slavonie) en 1801, mort à Agram [Zagreb] en 1859.

En sortant de l’école militaire de Vienne, en 1819, il entra dans l’armée autrichienne avec le grade de sous-lieutenant de dragons, cultiva la poésie dans ses loisirs de garnison et publia, en 1825, un recueil de vers. Nommé capitaine-lieutenant en 1830, major en 1837, puis lieutenant-colonel dans un régiment-frontière du Banat, il était colonel depuis 1842, lorsqu’il eut à combattre les bandes bosniaques qui infestaient les frontières de la Croatie. Il fit preuve, dans ces circonstances, d’autant de décision que d’habileté (1845), et acquit une grande popularité en Croatie par l’énergie avec laquelle il mit un terme aux déprédations de ces brigands.

Josip JelacicLes événements de 1848 permirent bientôt à Jellachich de déployer toute l’énergie de son caractère et de donner carrière à son ambition. A cette époque, la Croatie avait été réunie à la couronne de Hongrie malgré ses habitants qui, séparés des magyares par la race, le langage, les mœurs, supportaient avec une extrême impatience la suprématie étrangère. D’un côté, les Croates étaient profondément irrités de ce que, dans les actes du gouvernement, on se servît exclusivement de la langue des magyares, et de ce que ceux-ci servissent d’intermédiaires entre l’empereur et eux. D’un autre côté, les Hongrois, tout en réclamant pour eux l’indépendance, n’avaient rien stipulé pour les races slaves de la Croatie et de la Dalmatie, de sorte que les Croates pouvaient redouter, de la part de ces derniers, une oppression d’autant plus lourde qu’elle serait sans contre-poids. Loin de calmer ces inquiétudes, Jellachich les accrut encore et persuada aux Croates que le salut de leur nationalité tenait à la conservation de l’Autriche. En conséquence, ces derniers envoyèrent une députation à Vienne pour déclarer à l’empereur Ferdinand que la Croatie était prête à donner son sang et ses biens pour le maintient de l’intégrité de l’empire, et pour demander que Jellachich devînt leur ban. L’empereur, enchanté de trouver, dans un moment aussi critique, de telles dispositions dans une partie de ses sujets, s’empressa de nommer Jellachich ban de Croatie, conseiller privé et général commandant et chef des districts du Banat, de Waradin et de Carlstadt.

Le nouveau ban, au comble de ses vœux, se trouva néanmoins en présence de nombreuses difficultés. " D’abord, dit M. A. d’Héricourt, les Croates n’étaient pas tellement unis que l’on ne pût craindre des divisions excitées par des chefs jaloux. En outre, l’un des ministres de l’empereur (Bathyani) était Hongrois, et il était probable qu’il emploierait son influence à renverser un ban que ses connaissances militaires devaient rendre redoutable à ses compatriotes. Jellachich triompha, mais non sans peine, de tant d’obstacles. Il alla sans armes trouver les Croates mécontents et réunis, leur expliqua ses projets, et fut reconduit par eux en triomphe. Sommé par le ministère de rendre compte de sa conduite, il vint à Vienne à la tête d’une escorte nombreuse, refusa de s’expliquer en présence du ministre hongrois et obtint une audience publique de l’empereur, avec qui on redoutait qu’il n’eût un entrevue secrète. Il parla modestement de ce qu’il avait fait, déclara qu’une population aussi importante que les Slaves ne pouvaient être sacrifiée aux intérêts d’une poignée de Hongrois, et ajouta qu’il venait resserrer plus étroitement que jamais les liens qui unissaient la Croatie et l’empire, dont le salut n’était qu’à ce prix. Son discourt persuasif et éloquent eut un succès complet : l’empereur fut ému, des applaudissements éclatèrent, et l’archiduc Jean vint serrer Jellachich dans ses bras. On convient que le ban conserverait son autorité, mais que l’édit qui l’en dépouillait ne serait pas encore rapporté. Le soir, la population de Vienne se pressait sous ses fenêtres ; il prononça une nouvelle harangue et la termina par ces mots : " Je veux, mes frères, une Autriche grande, forte, puissante, libre et indivisible. Vive notre belle patrie ! Vive l’Allemagne ! ".

Comptant sur les promesses de la cour, Jellachich se tint prêt à commencer les hostilités contre les Hongrois ; il parcourut la Croatie et les autres provinces slaves de l’empire, recueillant partout de nombreuses preuves de patriotique sympathie ". Cependant le faible Ferdinand, craignant une rupture avec la Hongrie, hésitait encore à reporter l’édit qui privait le ban de sa dignité ; mais celui-ci, sûr de l’approbation tacite de la cours, continuait ses armements, obtenait des diètes slaves des subsides et une armée de 40 000 hommes, recevait de l’administration autrichienne des munitions et de l’artillerie ; enfin un édit du 4 septembre 1848 lui rendait, en récompense de ses services, ses dignités et ses fonctions. Cinq jours plus tard, Jellachich déclarait la guerre à la Hongrie et commençait les hostilités. Battu près d’Ofen, après un sanglant combat, il conclut un armistice pendant lequel il opéra sa retraite de façon à faire sa jonction avec Windischgrätz, marcha avec lui sur Vienne ; où venait d’éclater une révolution, et pris une part active à la prise de cette ville insurgée (2 novembre). Bientôt après, il pénétrait de nouveau en Hongrie avec Windischgrätz. Il remporta quelques succès, fut nommé général d’artillerie, reçut l’ordre de descendre la rive droite du Danube et de protéger, contre l’insurrection magyare, les provinces méridionales de l’empire, força Bem de se replier devant lui, mit garnison dans Bacska, puis fut complètement battu par Bem à Hegyes le 14 juillet1849. Il s’occupait de réorganiser ses troupes lorsque la Hongrie succomba devant l’intervention russe et surtout par la trahison de Goergei. Lorsque la lutte fut terminée, Jellachich retourna à Agram, en qualité de gouverneur civil et militaire de la Croatie et de la Slavonie. En 1853, il reçut le commandement d’un corps d’observation envoyé par le gouvernement autrichien sur la frontière du Monténégro. Enfin, en 1855, il reçut de l’empereur François-Josef le titre de comte.

Jellachich, dans sa carrière brillante et mouvementée, a montré plus d’habileté, de finesse et de décision politique que de grands talents militaires. En 1851, il donna une édition de ses poésies, parmi lesquelles on remarque ses chants patriotiques et une piquante satire du vieux système militaire, intitulé : Chanson de garnison, qui obtint un grand succès.

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